Compte rendu d’un voyage à Cuba
Du 11 au 25 février dernier (2010), ma conjointe et moi avons effectué un voyage dans une région de Cuba que nous ne connaissions pas : Santa Clara, Cienfuegos et Trinidad. Vol sec (sans hôtel) à partir de Montréal avec Air Transat. Nous avions par contre réservé nos casas avant le départ et fixé notre itinéraire. C’est moins aventureux, mais ça évite les arnaques et les déceptions.
Air Transat est égal à lui-même : efficace et sans grand confort. Le vol comprenait une escale à Cayo Coco. Je crois que nous étions les seuls à ne pas nous diriger vers un « tout inclus ».
Aux douanes, quelques hésitations de la jeune agente, car j’ai eu le malheur de laisser savoir que je travaillais pour un magazine, que c’était mon septième voyage à Cuba et que nous ne restions pas dans un hôtel. Elle a fait venir un supérieur pour l’aider à prendre une décision. La prochaine fois, je dirai que je suis plombier…
À Santa Clara, Carlos, le propriétaire de notre première casa, nous attend à l’aéroport avec un chauffeur de taxi, tel que prévu par courriel lors de notre réservation. Le trajet prend une vingtaine de minutes jusqu’à sa casa tout près du Parque Vidal, dans le centre de la ville (20 CUC). Comme lors de chacun de nos voyages à Cuba, il faut prendre quelques instants pour se remettre dans l’ambiance. Ce qui nous frappe d’abord sur la route vers la ville, c’est l’importance du cheval comme moyen de transport dans cette région. Que ce soit attelé à une charrette ou sous un caballero, il y en a beaucoup.
La casa de Carlos et Carmen ne paie pas de mine de l’extérieur, mais comme on le sait au pays des frères Castro, il ne faut pas se fier aux apparences. Une fois à l’intérieur, c’est l’émerveillement. Il s’agit d’une maison coloniale rénovée d’abord en 1906, puis plus récemment par Carlos : hall d’entrée avec céramiques, cour intérieure avec pergola, fontaine, plantes et oiseaux en cages. Dans les chambres, plafond à 20 pieds de haut, vitraux art déco et eau chaude. L’accueil est chaleureux, Carlos parle un peu anglais et on essaie notre espagnol. Le souper est excellent.
Le lendemain, on sort à 7 heures pour prendre le pouls de la ville (ce ne sont pas des vacances à Cuba si on ne se fait pas réveiller par les coqs). Les Cubains adorent le café, mais c’est un produit de luxe, très difficile à trouver, surtout avant 9 heures. Cela me manque. On fait un petit tour d’une heure à pied et on retourne à la casa car on quitte le matin même en autobus pour Cienfuegos.
La vraie découverte de Santa Clara se fera au retour dans deux semaines. On arrive au terminus Viazul 90 minutes avant le départ et c’est bien, on a les deux dernières places. (Un conseil : toujours réserver à l’avance; on peut le faire aux comptoirs de Havanatur, souvent mieux situés et sans frais additionnels). Viazul est toujours efficace, l’autobus part à l’heure et arrive à l’heure. Le départ est à 13h de Santa Clara et le trajet prend un peu plus d’une heure jusqu’à Cienfuegos, pour 6 CUC.
Du terminus de Cienfuegos, on prend un bicitaxi avec Miguel pour se rendre à la casa de Zunilda et Eduardo, l’hostal Sunset, qui se situe à Punta Gorda, un peu en retrait du centre-ville, sur une pointe qui s’avance dans la bahia de Cienfuegos. C’est un bon choix, car très tranquille et tout de même accessible même à pied si, comme nous, un peu de marche ne vous dérange pas. Je m’étais informé sur le bus de ville et quelqu’un qui semblait connaître le coin m’avait dit qu’un taxi pour Punta Gorda devrait coûter 5 CUC et c’est ce que demande Miguel. Mais quelques jours plus tard, je paie 2,65 CUC pour le même trajet en sens inverse dans un vrai taxi qui nous prend à la casa. Je crois qu’on paie toujours moins cher si on laisse les gens de la casa organiser le transport…
Nous passons cinq nuits à la casa Sunset. Ce fut la plus simple des trois casas de ce voyage mais celle que nous avons préférée. L’accueil était chaleureux et authentique, la bouffe délicieuse et l’endroit très agréable. La casa est située presque à l’extrémité de Punta Gorda; devant, il y a la rue et la mer (la bahia en fait) et à l’arrière, la petite cour intérieure où l’on prend les repas donne sur la mer.
Pour y manger, nous revêtons nos polars, vu les frente frio inhabituels en cette période de l’année. Cependant, les puestas del sol sont remarquables sur la baie. Tout au bout de la punta, se trouve un petit parc agréable et fréquenté par les gens de la place.
Le petit bar prétend préparer les meilleurs mohitos à Cuba mais en fait, ceux de Zunilda sont les meilleurs qu’on ait goûté pendant tout notre voyage.
Cienfuegos est une ville cubaine typique, pas trop touristique. Rien de très spécial, mais les gens sont généralement sympathiques et le Parque José Marti attrayant. Comme dans plusieurs villes, l’UNEAC est le meilleur endroit pour passer quelques heures tranquilles sans se faire vendre des cigares. Pour la plage, il faut se rendre à Rancho Luna à une vingtaine de km. La plage est belle et tranquille, en tout cas en cette saison.
Une autre journée, nous visitons le Jardin Botanico, impressionnant et sauvage (peu d’indications). Il est lui aussi situé à une vingtaine de km de Cienfuegos. Chemin faisant, nous observons des vergers de manguiers en fleurs; les fruits suivront en juillet et août.
C’est avec un peu de regret que nous quittons l’agréable casa de Zunilda.
Autre trajet sans histoire de Cienfuegos à Trinidad avec Viazul (6 CUC). À Trinidad, à l’abri des fronts froids grâce aux monts Escambray, il fait définitivement plus chaud : c’est un microclimat, plus sec et plus chaud. En été, ça doit être vraiment chaud! Trinidad est beaucoup plus petite que Cienfuegos mais aussi beaucoup plus visitée par les bus de touristes à bracelets. On se fait donc pas mal plus aborder par les jineteros surtout au centre ville. On réussit quand même à dénicher l’agromercado qui nous donne une idée plus juste de la vie quotidienne.
De toute évidence, ici on adore les oiseaux. Très souvent, on voit des Cubains se promener avec une cage, habitée, à bout de bras. Et on voit beaucoup de cages accrochées aux devants des maisons, dans les rues de Trinidad.
Encore une fois, nous demeurons un peu en dehors de la ville et c’est une EXCELLENTE décision. Le petit village de pêcheurs de La Boca est situé à l’embouchure du rio Guaurabo à une dizaine de km du centre-ville, donc trop loin pour la marche. C’est très calme et agréable en basse saison, mais en juillet et août, il doit en être autrement… C’est d’ailleurs ce qu’on nous confirme, il vaudrait mieux choisir une casa un peu plus éloignée de l’action si on recherche la tranquillité en été.
Nous habitons à la Villa Sonia, chez Sonia et Luis. La casa, située au centre du village, est si pittoresque avec ses nombreux bougainvilliers généreux et colorés, ses cactus, ses immenses vases décoratifs à l’avant et son jardin exotique à l’arrière qu’on ne peut pas la manquer. La bouffe y est bonne et très généreuse.
Il n'y a pas de doutes que même si on est un peu plus en contact avec la réalité dans les casas, il s'agit d'un environnement plus aisé que le quotidien de la majorité des cubains qui n'ont pas accès aux CUC.
Côté plage, il faut se déplacer plus au sud vers Playa Ancon où il y a des hôtels probablement cotés (est-ce un trois étoiles et trois quarts ou un quatre étoiles moins quart?) mais ça nous donne la déprime et on s’arrête avant, sur nos bicyclettes louées qui font mal au c. Les prochaines fois, on ira à la plage à pied.
À environ 30 minutes de marche de La Boca, une première petite plage garnie de quelques abris en feuilles de palmiers et de plusieurs amoncellements de coraux est, en fait, plutôt un point de départ pour une excursion en apnée ou en plongée avec bouteille. Nous y avons observé deux fois un instructeur cubain donner un cours de plongée avec bouteille à un couple de touristes. Malgré que nous n’ayons pas nous-mêmes un équipement sophistiqué (nous avons apporté seulement nos lunettes de natation), nous découvrons le merveilleux spectacle marin des coraux et des petits poissons bleus, rayés noir et blanc, jaunes, etc. Et la mer est assez belle et relativement chaude malgré la température inclémente avec ses ciels gris et le vent frais. Malheureusement, il faut, pour s’y rendre, franchir les limites du village qui sont un peu délabrées. Des papiers, des plastiques et divers déchets jonchent le sol en bordure de la route.
Les monts Escambray servent d’arrière-scène dramatique au paysage marin. Le matin, on peut observer les pêcheurs qui lancent leurs filets à l’embouchure du rio d’où Cortez aurait appareillé, en 1518, pour aller conquérir le Mexique.
D’ailleurs, nous avons mangé plein de poissons et crevettes délicieuses à nos casas de Cienfuegos et Trinidad (je préfère éviter la langouste qui, je crois, est en diminution et qui, quant à moi, n’arrive pas « à la cheville » de nos homards). Même en plein centre ville de Cienfuegos nous avons observé des gens qui pêchaient pas pour le plaisir mais pour manger. Les protéines sont rares à Cuba...
À partir de Trinidad, nous évitons le Topes de Collantes qui nous semble une attrape-touriste de première classe. Nous choisissons la Valle de los Ingenios qui est quand même aussi un attrait touristique.
Mais la visite guidée de l’agence culturelle Casa Artex (calle Lino Perez, no.306), est intéressante, surtout grâce à l’érudition de notre guide Lazare.
À ne pas manquer : acheter à Trinidad les chapeaux et sacs en feuilles de palmier tressées, car on ne les trouve pas ailleurs et ils ne sont pas cher.
L’avant-dernière journée à Trinidad, nous avons droit au passage d’un autre front froid. Il déclenche une pluie torrentielle qui transforme rapidement les rues en rivières. On doit se réfugier sous l’auvent d’un petit bar où l’atmosphère se réchauffe rapidement en observant les situations cocasses causées par cette pluie diluvienne.
Les midis, nous « dégustons » perro caliente (10 CUP), boccadillo de jamon ou pizza (5 CUP)…
C’est loin de la gastronomie, mais ça bourre la bedaine… Ils ont de la suite dans les idées, les Cubains : le stand à perro caliente vend aussi des condoms…
En résumé, Trinidad est une ville d’un indéniable intérêt historique qui, en conséquence, attire beaucoup de touristes. Les alentours du Parque Cespedes sont plus intéressants que le plus visité, la Plaza Mayor … Bref, comme partout à Cuba, ça vaut la peine de sortir des sentiers battus, on est toujours gagnant.
Retour à Santa Clara avec le bus Viazul qui retourne à Varadero. Trois heures de route pour 8 CUC, sans histoires, qui dit mieux. (Si l’envie vous prend de louer une voiture à Cuba, sachez qu’il vous en coûtera environ 100 CUC par jour et que chaque fois que vous la garerez, vous vous inquiéterez de sa sécurité : les voitures de location sont neuves et identifiées par une plaque qui commence par « T ». On les repère à un km.)
Notre arrivée à Santa Clara se fait en parfaite synchronicité avec une ondée spectaculaire, courtoisie du dernier front froid. Mais Carlos est fidèle au rendez-vous, il nous attend au terminus avec un taxi. Il nous accueille et nous annonce qu’un autre couple sur le même bus se dirige aussi vers sa maison. C’est un couple de jeunes Chinois. Dans les casas, nous avons aussi côtoyés Irlandais, Canadiens, Autrichiens, Français, Belges, Israéliens… Nous sommes donc cinq dans le taxi plus nos bagages dans le coffre et la gigantesque valise rouge en plastique de nos nouveaux compagnons qui n’entre pas dans le coffre. Il ne reste donc plus de place pour Carlos. Il fera le trajet jusque chez lui en bicyclette sous l’orage.
Nous retrouvons avec plaisir la casa de la calle Luis Estevez comme si nous étions de vieux habitués. Carmen nous accueille chaleureusement et accepte de nous préparer un repas malgré l’heure tardive. Le voyage tire à sa fin mais nous apprécions d’autant plus les dernières heures dans ce merveilleux pays.
Le lendemain nous explorons davantage Santa Clara. C’est la Feria Internacional del Libro qui suscite un intérêt enthousiaste dans la population cubaine. C’est un événement très couru. Les Cubains ont tellement peu de livres que cette foire attire chaque année une foule de gens de toutes catégories en plus des groupes d’écoliers en grand nombre. Sur le Parque Vidal, de nombreuses tentes abritent des étals de livres. Il nous semble qu’on retrouve les mêmes livres sous plusieurs tentes. Nous achetons une version hecha en Habana du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, El Principito, pour parfaire notre espagnol.
Visite au Museo de Artes Decorativos qui, sans être exceptionnelle, est tout de même fascinante grâce à l’érudition de notre jeune guide cubaine qui s’exprime dans un bon anglais. On y retrouve meubles d’époque d’Europe et de Cuba, Cristal, porcelaine, peintures, argenterie…
Nous visitons aussi plusieurs églises magnifiques.
C’est incroyable de constater la richesse du patrimoine de ce pays. Que se passera-t-il quand le régime changera? Espérons que toutes ces richesses ne seront pas englouties par les antiquaires d’Amérique et d’Europe.
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